La faculté de bien se déplacer à reculons sur la piste de danse est probablement la compétence la plus importante à acquérir. Le partenaire qui recule est celui qui conduit le couple à la manière dont une voiture se propulse sur la route. Des pneus sous-gonflés et une suspension inefficace réduisent grandement la capacité de la voiture, et dans notre cas le couple, à se déplacer correctement malgré le savoir-faire du conducteur. Il est dommage que les danseurs débutants soient obligés d'exécuter tant de fois ce mouvement si difficile dès qu’ils commencent à danser – mais c’est un fait ! J’espère que cet article va dévoiler certains des mystères qui entourent le déplacement à reculons et aider à maitriser cette difficulté.
Pour construire un modèle de qualité du déplacement à reculons, il faut s’intéresser à la philosophie de ce mouvement. Imaginez que vous, le danseur qui recule, invitiez votre partenaire à vous suivre partout où vous allez. Avec un cadre correct, le déplacement du couple le long de la ligne de danse est conditionné par l’espace suffisant que doit procurer le partenaire qui recule pour permettre l’accélération du mouvement de la jambe libre vers le point de transfert d’appui (midpoint) et le ralentissement qui s’ensuit à la fin du transfert. Il est important de prendre conscience que le couple ne recule jamais. Le meneur a la responsabilité d’indiquer la direction de déplacement du couple, mais c’est le partenaire qui recule qui conduit le couple dans l’exécution du déplacement et, Mesdames, dans soixante-dix pourcent du temps, c’est vous.
Savoir reculer correctement est la condition nécessaire pour pouvoir changer de direction ou exécuter les tours avec aisance et style. Il appartient au danseur de rester sur sa ligne en reculant jusqu’à ce qu’un nouvel axe vertical ait été atteint après la fin du transfert d’appui, avant de tenter de changer de direction. Il est primordial que chaque danseur trouve son nouvel axe vertical de rotation à chaque pas tout en permettant à son ou sa partenaire de faire de même. Les danseurs commettent souvent l’erreur de s’écarter de la trajectoire du couple pour anticiper le changement de direction ou la figure suivante d’une chorégraphie. Un symptôme de ce problème se manifeste lorsqu’il y a trop d’espace entre les cuisses des partenaires pendant le déplacement ou que les pieds ont déjà changé de direction sans que le haut du corps n’ait suivi. L’issue désastreuse ne se produit pas immédiatement, mais plutôt deux pas plus tard, et exige alors quelques réajustements drastiques du cadre.
Il est impossible d’aller contre les lois de la physique avec succès. Quand un couple est légèrement en déséquilibre à la fin de leur box, pivot ou progressive turn (tour avec déplacement), c’est souvent parce que la rotation de leur pied ne s’est pas effectuée à la base d’un bon axe vertical et en conséquence leur pied s’est transformé en un butoir de perche propulsant l’athlète au-dessus de la barre. Si cela se produit, exercez-vous à retarder la rotation, ou bien à anticiper cette rotation, jusqu’au moment où le partenaire qui recule s’est mis dans une position où sa tête, son torse et ses genoux sont au-dessus de la plante, puis du talon de son pied d’appui, cet ensemble constituant leur nouvel axe vertical de rotation.
Vous remarquerez alors que les deux partenaires devront mettre plus longtemps à transférer leurs appuis, en utilisant plus de flexion des genoux et des chevilles pour faciliter le mouvement. En récompense, vos tours deviendront légers et sans heurts, et vous allez ressentir le plaisir sans mélange de planer au-dessus de la piste (body flight). Les exercices de développement physico-intellectuels suivants vous aideront à gagner en stabilité, contrôle de l’équilibre et maitrise pour mener à bien vos déplacements à reculons.
La prochaine fois que vous exécutez une série de pas en reculant, visualisez une image-miroir de vous-même en train d’avancer. Comparez le détail de votre marche en arrière aux mouvements occasionnés par votre marche en avant. Utilisez les deux paramètres temps et équilibre comme critères de comparaison. Quel en est le résultat ? Est-ce qu’il est possible d’isoler un instantané de vous en plein milieu de cet exercice où votre poids est également réparti sur vos deux pieds ? Ce devrait être le cas, mais ce n’est pas nécessairement facile. Est-ce que votre manière de vous entrainer vous donne l’opportunité de prendre conscience de ce moment élusif aussi bien en avançant qu’en reculant ?
Un réglage fin du séquencement (timing) et de l’équilibre est nécessaire pour aboutir à un mouvement à la fois fluide et sûr. Quand un couple maitrise son équilibre parfaitement, n’importe quelle figure est à sa portée. Quand le transfert d’appui d’un pied sur l’autre est correct avec un bon contrôle du midpoint, votre cerveau peut se concentrer sur l’endroit où vous voulez aller. Si vous apprenez à faire les pas de manière incorrecte, ces erreurs deviennent partie intégrante de vos mouvements instinctifs. Ils seront toujours là à moins que vous ne remplaciez cette mémoire des muscles par les mouvements corrects.
Le timing est la séquence de mouvements exécutés par votre corps pendant un temps donné de la musique. Un timing précis va permettre à vos membres de pouvoir travailler plus facilement et avec une meilleure amplitude pour des extensions proportionnées à votre taille.
Le balancement de la jambe ne doit jamais avoir d’influence sur l’équilibre général du corps et ne devrait pas créer de mouvements involontaires. Beaucoup peuvent danser pendant des années sans avoir pris conscience de cet impératif et de son impact sur leur manière de danser. Un balancement forcé et vigoureux de la jambe résultera en une secousse qui fera dévier le corps de la position idéale et entrainera la nécessité de se raccrocher à son partenaire en s’en servant comme d’une rampe.
Voici maintenant un exercice à la fois complet et agréable que l’on peut faire seul ou bien avec un ou une partenaire pour acquérir ou renforcer la maitrise d’une bonne marche en arrière. Pour vous motiver, utilisez une musique de Foxtrot au début, puis passez à une musique de Waltz, Tango, etc. en prenant soin de respecter les temps et les changements de hauteur (rise) (NDLT : en Country Western, on aura recours à des musiques de Two Step lentes). Pendant l’exercice, remarquez l’effort imprimé dans les jambes et les muscles abdominaux pour assurer votre équilibre pendant l’extension des jambes. Je recommande d’inclure cet exercice dans tous les échauffements en prélude à vos sessions d’entrainement ou juste avant d’entrer sur la piste dans les compétitions.
Pour commencer, vous et votre partenaire devez vous tenir par les bras dans la position d’entrainement. Les mains du meneur devraient tenir sans serrer les avant-bras de sa partenaire. Contractez les muscles au niveau des genoux en maintenant vos pieds à 30 ou 40 centimètres de ceux de votre partenaire, plus loin que les 10 à 12 centimètres de la Closed Position. Continuez de contracter les muscles au niveau des genoux tout en donnant de petites impulsions vers le haut et vers le bas. L’élévation du haut du corps est créée par l’impulsion cadencée des hanches vers les genoux et inversement.
Pendant l’exercice, la pression que vous ressentez depuis la hanche jusqu’au genou va se propager jusqu’au pied d’appui. Laissez passer cette pression à travers votre cheville en relâchant la tension dans cette dernière. Permettez à la force de contre-réaction, qui est gouvernée par la troisième loi de Newton sur l’inertie (pour toute force appliquée, s’exerce une force en sens opposé et d’égale intensité), de se propager à travers le corps jusqu’à ce que l’angle d’alignement correct décrit précédemment soit atteint.
J’appelle cet exercice ‘’exercice en immobilité’’, c’est-à-dire un exercice imperceptible à l’oeil. Ce mouvement vertical avec transfert d’énergie qui part du sol et prend son essor en passant par la tête du danseur constitue l’équilibre et est bien plus important que tout autre type de déplacement latéral sur la piste de danse. Car c’est à travers cette énergie verticale que la tête, et plus spécifiquement le cerveau, se rend compte que non seulement il est soutenu dans sa tâche mais qu’il peut se sentir à l’aise et en sécurité.
Avec cette confiance toute neuve, les messages envoyés à la partie consciente du cerveau ainsi qu’aux muscles est simple : Vas-y ! Vas-y ! Vas-y ! ‘’Vas-y !’’ se transforme en la faculté de placer le bout du gros orteil derrière soi sur le sol, permettant ainsi un déplacement fluide vers l’arrière. Les messages tels que ‘’Stop’’ ou ‘’Attention’’ sont traduits par le pied comme la nécessité d’utiliser la plante du pied en lieu et place du gros orteil.
Le déplacement sans à-coup s’arrête alors brutalement car la plante du pied est la partie signalant l’arrêt du déplacement et le transfert immédiat du poids sur le pied. Cet exercice va améliorer l’équilibre et vous verrez les résultats bénéfiques d’un contrôle accru et d’un meilleur carriage.
L’exercice suivant porte sur ce que j’appelle un ‘’exercice en mobilité’’. Sur chaque slow (deux pulsations de musique), vous et votre partenaire allez lancer vos jambes libres opposées (sa jambe gauche à lui et sa jambe droite à elle) selon un mouvement de pendule complet de la cuisse. La cuisse termine sa course pendulaire pendant que la partie de la jambe sous le genou jusqu’au pied s’étend, sauf pour le Tango.
Le fait d’étendre le genou ne doit pas être confondu avec celui de le verrouiller. Le mouvement de pendule de la cuisse suivi de l’extension complète de la jambe est conforme à ce qui se passe lorsque l’on pratique le Foxtrot.
Conservant la même cadence lente, il se produit une impulsion verticale dans la cuisse et simultanément une contraction de la paroi musculaire abdominale au moment où le pied quitte le sol. Une pression passant par le genou et dirigée vers le bas de la jambe d’appui se produit à l’instant où le pied se pose fermement sur le sol à fin du mouvement de pendule.
Le pied libre effleure le sol pendant le mouvement de pendule alors qu’il est en ligne avec le reste de la jambe sans jamais décoller. Quand vous sentez la fatigue envahir les muscles, changez simplement de jambe en avançant ou en reculant en rythme. En marchant ainsi, vous devriez ressentir un flux d’énergie rythmée. Tant que vous exécutez un nombre impair de pas, vous changez de jambe de travail ce qui implique qu’un des partenaires est toujours en train de s’entrainer à reculer.
Le but ultime de cet exercice est d’effectuer le mouvement de pendule de la jambe de manière complète sans entrainer de mouvement involontaire de la tête ou du haut du corps. Afin d’assurer que le mouvement de pendule de la jambe n’impacte pas l’alignement vertical du corps, vous devez lever le genou de la jambe libre en direction de votre partenaire, que vous avanciez ou reculiez votre jambe. Le détail à observer ici est d’utiliser votre cuisse (plus proche du centre) pour propulser le pied plutôt que d’initier le mouvement avec le pied comme on le voit souvent. Quand les danseurs essaient de mouvoir le pied libre sans plier le genou, il n’y a pas assez de place entre la hanche et le sol pour permettre un mouvement vif et sans contrainte de la cuisse. Une méthode incorrecte est de se servir des épaules et de la cage thoracique, au dépend du contrôle de l’équilibre.
Quand vous levez le genou pour lancer votre cuisse dans son mouvement pendulaire, assurez-vous de bien relâcher la tension au niveau de la tête du fémur dans la cavité fémorale (sur le côté de la hanche). C’est cela qui permet un mouvement de pendule léger et sans effort. La vitesse de retrait du pied sera synchronisée avec celle du pied de votre partenaire vers l’avant avec son talon effleurant le sol. Le métatarse du pied libre qui se déplace vers l’arrière prend contact avec le sol au niveau du métatarse du pied d’appui. C’est à ce moment précis que la vitesse du pendule doit atteindre celle de l’éclair. Cela continue jusqu’à ce que le bout du gros orteil entre en contact avec le sol et que la cheville soit pratiquement perpendiculaire au sol. Le différenciel de vitesse dans le mouvement de pendule de la jambe laisse suffisamment de temps pour établir la trajectoire du corps en déplacement vers l’arrière.
Cela va vous entrainer à atteindre une vitesse de jambe plus grande sans affecter votre équilibre. Vos jambes vont croître en vitalité et en force. Des jambes plus fortes produisent des mouvements plus souples et plus rapides. Vous allez devoir contrôler votre mouvement de jambe avec vos abdominaux tout en maintenant une isolation complète. Ceci vous permettra de prendre un peu plus conscience de la nécessité du contrôle exercé par les muscles abdominaux en dansant. Vous allez très vite sentir la nouvelle séquence d’activité musculaire mise en jeu pour reculer en rythme. La connexion avec le partenaire devrait être aussi légère que possible pendant tout l’exercice. Utilisez juste le niveau de réaction nécessaire à maintenir la connexion.
La pratique récurrente de cet exercice, en particulier avec votre partenaire, va améliorer la façon dont vous semblez planer au-dessus de la piste (body flight). Félicitez-vous du fait que vous n’aurez dorénavant plus besoin de l’aide de votre partenaire pour maintenir votre équilibre. Après avoir pratiqué cet exercice quelque temps, vous devriez être capable d’utiliser le rise and fall en rythme sur la musique et en Closed Position.
Note : Publié dans un bulletin de danses de salon, mais cela s'applique parfaitement à la danse Country Western
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